Elle a empoché 109 milliards d’euros avec la flambée du gaz : accusée de « profiter de la guerre », la Norvège pourrait garantir le prêt européen pour rebâtir l’Ukraine

Norvège profiter guerre

La Norvège a gagné gros avec le gaz : 109 milliards d’euros en plus, depuis le début de la guerre. Mais aujourd’hui, elle tente d’échapper à une étiquette qui colle de plus en plus : celle de profiteur de guerre. Ce qui, au départ, relevait d’une simple lecture budgétaire a glissé vers un sujet bien plus sensible. Une affaire de morale, de diplomatie, et de réputation.

Le sujet dérange, car il bouscule l’image d’un pays souvent présenté comme modèle. La tension grimpe à mesure que l’Europe cherche des financements pour soutenir l’Ukraine. Et dans ce débat brûlant, un mot revient sans cesse, presque comme une piqûre : la Norvège accusée de profiter de la guerre.

La Norvège, un profiteur de guerre ?

La Norvège se retrouve au centre d’une discussion qui prend de l’ampleur à chaque nouvelle déclaration. Depuis l’explosion des prix du gaz provoquée par la guerre en Ukraine, le pays a engrangé près de 109 milliards d’euros de recettes en plus. Une somme qui ne passe pas inaperçue et qui alimente bien des questionnements. Un montant pareil ne passe pas inaperçu. Rien qu’en le lisant, on comprend pourquoi les regards se tournent vers Oslo. Ce dernier se retrouve soudain pointé du doigt, comme si cette richesse inattendue exposait une responsabilité morale que personne n’avait vraiment anticipée.

Des voix politiques, en Norvège comme à l’étranger, évoquent une occasion d’aider Kiev autrement. Il ne s’agit plus seulement d’envoyer de l’aide ou de livrer des armes. À Oslo, certains envisagent un pas bien plus audacieux : que la Norvège se porte garante du prêt européen de 140 milliards d’euros prévu pour soutenir l’Ukraine. L’idée, encore impensable il y a peu, commence à faire son chemin dans les coulisses du pouvoir. Et vu la taille colossale du fonds souverain norvégien — près de 1 800 milliards d’euros, le plus imposant de la planète —, ça ne semble plus si irréaliste. Une force financière qui change forcément la conversation. Une puissance financière qui soulève naturellement des attentes.

Plusieurs partis norvégiens du centre et de la gauche s’engagent sur ce terrain. Ils estiment que cette richesse tombée du ciel, en pleine guerre, place le pays face à un choix : rester discret et être perçu comme un “profiteur” ou assumer un rôle plus large dans la réponse européenne. Les mots employés sont parfois abrupts. L’expression “profiteur de guerre” revient régulièrement dans les débats, presque comme une gifle adressée au gouvernement. Certains trouvent cette formule injuste. D’autres la jugent parfaitement adaptée.

Et au milieu de ce tumulte, l’Europe observe, attentive. Le dossier n’est plus simplement économique : il touche au symbole, au positionnement moral, à la diplomatie, et même à l’image internationale du pays.

Une discussion européenne sous haute tension

Le débat sur le prêt s’intensifie car les finances publiques de nombreux pays européens restent fragiles. Beaucoup n’ont plus la marge nécessaire pour garantir une telle somme. La France et l’Italie sont déjà très endettées. L’Allemagne sort d’une crise budgétaire longue. La Belgique, elle, demande des garanties pour couvrir les risques liés aux avoirs russes gelés si Moscou parvenait un jour à les récupérer.

C’est dans ce contexte que l’idée d’un rôle majeur de la Norvège ressurgit. Le pays n’est pas membre de l’Union européenne, mais il pèse énormément dans l’économie énergétique du continent. À sa grande surprise, elle est accusée de profiter de la guerre. Elle devient alors un argument politique : si elle a bénéficié d’un effet d’aubaine gigantesque, elle pourrait compenser en facilitant la solidarité européenne.

Deux économistes norvégiens ont jeté de l’huile sur le feu avec une tribune qui a fait réagir tout le pays. Ils y expliquent que ces 109 milliards d’euros ne peuvent être ignorés. Ils ajoutent que la note AAA de la Norvège lui permettrait d’endosser cette garantie sans voir son crédit international affecté. Une analyse reprise par plusieurs responsables européens, qui y voient l’une des rares solutions crédibles pour boucler l’équation financière.

Face à ces arguments, Oslo reste prudente. La secrétaire d’État au ministère des Finances répète que le pays suit l’évolution du dossier et échange avec Bruxelles. Le message semble clair : la Norvège n’exclut rien, mais elle refuse d’être poussée dans un rôle qu’elle n’a pas choisi.

Les divisions politiques en Norvège

À l’intérieur du pays, les réactions divergent. Certains partis soutiennent ouvertement l’idée d’une participation financière majeure. Les Verts, notamment, parlent d’une responsabilité morale, soulignant que le pays a accumulé une fortune gigantesque grâce à une guerre qui a détruit des millions de vies. Ils veulent inscrire cette action dans les négociations budgétaires de 2026. Leur chef affirme même que la Norvège est la seule nation d’Europe capable de fournir une garantie de cette taille sans toucher au niveau d’imposition.

D’autres, y compris au sein du gouvernement travailliste, avancent avec plus d’hésitation. Ils reconnaissent que la question bouscule la politique intérieure, car les Norvégiens restent très attachés à leur fonds souverain. Celui-ci sert de matelas pour les générations futures. Y toucher, même symboliquement, inquiète une partie de la population.

Le débat ne se limite pas à la politique : il touche aux valeurs. L’idée que la Norvège est accusée de profiter de la guerre pourrait réparer cette image en se montrant plus généreuse divise le pays. Les opposants affirment que la Norvège aide déjà massivement l’Ukraine, avec plus de 23 milliards d’euros programmés sur sept ans. Pour eux, ce geste suffit. Pour les autres, il manque un geste plus audacieux, à la hauteur des bénéfices engrangés depuis deux ans.

Une réputation internationale en pleine mutation

La perception extérieure joue un rôle essentiel dans cette affaire. À l’étranger, certains médias présentent la Norvège comme l’un des pays ayant le plus bénéficié de l’explosion du prix du gaz. Ce constat heurte une nation généralement perçue comme exemplaire, stable et franchement généreuse.

Le gouvernement norvégien cherche à éviter d’être catalogué comme un pays passif face à la souffrance ukrainienne. Cette image colle mal avec son identité. Le sujet devient sensible et touche à la fierté nationale. L’idée que la Norvège est accusée de profiter de la guerre puisse ternir sa réputation pousse certains responsables politiques à réclamer une décision plus claire et plus emblématique.

L’Europe aussi observe la réaction d’Oslo. Au dernier sommet de Copenhague, la Première ministre danoise a estimé que l’intervention de la Norvège serait “formidable”. Les discussions se multiplient. Et chaque jour renforce l’idée que le dossier dépasse largement les frontières norvégiennes.

L’équilibre fragile entre richesse, morale et diplomatie

Le pays n’a pas encore tranché. Le gouvernement avance lentement, car le sujet engage son économie, son image et sa diplomatie. L’enjeu est immense : jouer un rôle décisif pour Kiev ou rester à distance. Le dilemme reflète une tension constante entre responsabilité morale et stratégie financière.

La Norvège se retrouve à un carrefour. Son choix pourrait redéfinir son rôle sur la scène européenne, mais aussi transformer son rapport à son propre fonds souverain. Beaucoup estiment qu’elle doit agir. D’autres redoutent une pente glissante.

L’histoire reste ouverte. Et ce débat, qui semblait réservé aux experts, touche désormais toute l’Europe.

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