Retraite à l’étranger : la Cour des comptes révèle l’ampleur des fraudes au Maroc et en Algérie et lance un renforcement des contrôles

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On croit parfois que les pensions versées à l’étranger s’évaporent loin du regard des institutions. Et pourtant, un document récent de la Cour des comptes vient briser ce confort d’illusion. Il montre un phénomène bien réel, parfois sous-estimé, mais qui commence à coûter cher. Derrière les chiffres se dessinent des failles, des erreurs humaines… et parfois des abus bien organisés.

Quand les dossiers dérapent : les rouages fragiles du système

Les services français ont épluché 2 500 dossiers sur plusieurs années, dans le but de vérifier que les pensions étaient bien versées aux bonnes personnes. Résultat ? Plus de 2 % de ces dossiers comportaient des irrégularités graves. Faux certificats, pièces falsifiées, situations douteuses sur la résidence réelle des retraités : les anomalies ne manquent pas.

Et ce chiffre n’est probablement que la partie visible. Pourquoi ? Parce que l’enquête s’est concentrée sur les cas déjà jugés sensibles. Le vrai volume d’erreurs, ou de fraudes pures, est sûrement bien plus élevé.

Les pensions versées au Maroc et en Algérie concentrent à elles seules une large part des anomalies recensées. Cela ne veut pas dire que tous les retraités dans ces pays trichent. Mais cela révèle des maillons faibles dans le circuit : des échanges administratifs parfois lents, des documents difficilement vérifiables, un manque de coordination entre les caisses françaises, les consulats et les autorités locales.

Un exemple simple : un décès non signalé. Si personne ne le déclare dans les temps, les versements peuvent continuer… pendant des mois. Voire des années. Et ce type de cas, hélas, n’a rien d’anecdotique.

Pensions versées au Maroc et en Algérie : une surreprésentation marquante

Les chiffres sont clairs. Le Maroc représente 6 % des dossiers, mais 22 % des cas irréguliers. L’Algérie, 4 %, mais 14 % des fraudes identifiées. Cela représente un écart de 3 à 4 fois la moyenne.

Ce déséquilibre s’explique par plusieurs facteurs. Une forte densité de retraités français dans ces deux pays, d’abord. Puis une complexité administrative locale qui rend la vérification lente et parfois peu fiable. Enfin, des moyens limités sur place pour assurer des contrôles réguliers.

Les techniques de fraude les plus courantes ? Usurpation d’identité, usage de faux certificats de vie, non-déclaration de décès, ou tout simplement résidence effective hors du pays déclaré. À chaque faille, une opportunité. Et à chaque irrégularité, une perte directe pour les comptes publics. Les autorités n’ignorent plus ce phénomène. Depuis 2020, elles ont commencé à réagir de manière plus ferme.

Des vérifications terrain pour remettre de l’ordre

Pendant trois années, les équipes consulaires ont été renforcées dans les pays les plus concernés. On ne s’est pas contenté de vérifier les choses derrière un écran. Les bénéficiaires ont été appelés, un à un, pour venir en personne. Objectif : voir les visages, confirmer qui est qui, comprendre les situations réelles.

Plus de 6 500 retraités ont été reçus et écoutés dans ce cadre. Rien qu’au Maroc, 2 500 retraités ont été convoqués. En Algérie, 4 000. Le bilan ? Des bases de données nettoyées, des versements suspendus ou réajustés, des cas de décès non signalés identifiés. Dans certains cas, les anomalies étaient liées à de simples erreurs administratives. Mais dans d’autres, elles relevaient clairement d’une volonté de détourner le système.

Ces campagnes ont permis de corriger des milliers de dossiers. Mais elles restent exceptionnelles. L’enjeu, maintenant, c’est de créer un mécanisme pérenne. Une vraie coopération entre les pays. Des échanges d’informations plus rapides, plus fiables, plus automatisés.

Et surtout, une numérisation complète de tout ce qui touche à la retraite à l’étranger.

Fraudes de retraite à l’étranger : un chantier numérique à construire

Ce que la Cour des comptes propose, ce n’est pas juste de mieux contrôler. C’est de repenser entièrement le modèle. Aujourd’hui, une attestation d’existence peut encore être envoyée sur papier, signée à la main, parfois par des administrations peu équipées. Ce mode de fonctionnement est trop facile à contourner.

Il est temps de basculer vers des outils numériques. Une identité électronique sécurisée. Des certificats de vie dématérialisés. Une traçabilité des actions et des échanges entre administrations. Ces solutions existent déjà. Il faut simplement les généraliser et les adapter à l’international.

Le fait que 77 % des retraités français vivant hors de France résident dans seulement six pays (dont le Maroc et l’Algérie) facilite la tâche. Avec un nombre restreint de territoires prioritaires, il devient possible de concentrer les efforts et de bâtir des protocoles adaptés localement.

Les fraudes de retraite à l’étranger ne sont pas une fatalité. Mais elles nécessitent un engagement clair, durable, appuyé sur des outils modernes.

Redonner confiance sans stigmatiser : un équilibre délicat à trouver

Le message n’est pas de pointer du doigt. Il est de garantir la justice du système. Chaque euro versé à tort, c’est un euro qui manque ailleurs. Chaque fraude qui passe inaperçue affaiblit un peu plus la confiance des cotisants et des bénéficiaires honnêtes.

Les pensions versées au Maroc et en Algérie doivent pouvoir l’être sans suspicion, mais avec des garanties solides. La transparence ne s’impose pas d’elle-même, elle se bâtit avec le temps et les actes. Et elle repose sur la régularité des contrôles, mais aussi sur leur lisibilité. Publier les statistiques, expliquer les démarches, montrer que la lutte contre les abus est menée dans le respect de tous, c’est essentiel.

Il est encore temps d’ajuster les outils, de mieux former les agents, d’adapter les échanges internationaux. La route sera longue, mais elle est engagée. Et c’est aussi une façon de valoriser ceux qui font les choses dans les règles.

Les fraudes de retraite à l’étranger, lorsqu’elles sont détectées, ne doivent pas simplement choquer. Elles doivent nous pousser à faire mieux. Mieux protéger, mieux vérifier, mieux servir.

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