Il pensait reprendre sa tournée, pas recevoir une lettre de licenciement. Gaëtan, facteur depuis vingt ans, tombe des nues. Son tort ? Trop d’arrêts maladie, selon La Poste. À ses yeux, ce n’était rien de plus qu’un dos fatigué qui tirait la sonnette d’alarme. Pour ses collègues, c’est une injustice de trop.
Ils étaient presque tous là, massés devant l’hôtel des postes Colbert à Marseille, ce 4 novembre au matin. Une vingtaine d’agents, soit plus de 80 % du centre postal du 5ᵉ arrondissement, venus soutenir l’un des leurs. Gaëtan, facteur depuis deux décennies, vient d’être licencié. La raison ? Trop d’arrêts maladie. L’annonce a fait l’effet d’un coup de massue chez lui, mais aussi dans tout le bureau. Car derrière cette procédure, c’est un salarié apprécié, avec vingt ans de service, qui se retrouve brutalement écarté.
Licencié pour arrêt maladie : un dossier qui interroge et divise
Gaëtan n’a jamais cherché à fuir son travail. Il l’aimait, son métier. Chaque jour, il arpentait les rues de son secteur, parfois sous la pluie, souvent le dos en vrac. Ce dos justement, il en parle sans filtre. « J’ai dû m’arrêter plusieurs semaines l’an dernier, c’était plus possible physiquement« , souffle-t-il. En 2024, les douleurs ont pris le dessus. Il n’a pas caché ses arrêts. Il les a même expliqués. Mais il pensait, au pire, à un blâme. Un avertissement. Pas à une rupture sèche.
Sa surprise se mêle à une vraie douleur. « Tout me semble irréel », répète-t-il, encore sonné. Ce n’est pas simplement une signature qui s’efface. vingt ans d’efforts, de pluie, de tri, de boîtes aux lettres, de collègues, de tournées. Être facteur licencié pour maladie, ce n’est pas illégal. Mais humainement, ça pique.
La Poste assume, les syndicats dénoncent une décision brutale
Du côté de La Poste, on se défend. Pas question de parler de sanction ou de punition. La direction assure que le licenciement n’a rien à voir avec les soucis de santé de Gaëtan eux-mêmes. Ce qui coince, ce sont ses absences répétées, qui ont fini, selon l’entreprise, par désorganiser tout le service. La logique invoquée est simple : trop d’absences = instabilité = besoin de remplacer.
Et la loi, sur ce point, n’est pas très floue. Plusieurs décisions de justice ont donné raison à des employeurs ayant écarté un salarié pour cause d’absences perturbant durablement le bon fonctionnement d’un service. La Poste s’appuie sur cette jurisprudence. Elle parle d’un remplacement nécessaire, définitif, par un contrat à durée indéterminée. Pas d’attaque personnelle, pas de remise en cause de l’état de santé. Juste une réalité d’organisation.
Mais dans les rangs de la CGT, on voit les choses autrement. Éric, secrétaire départemental, parle d’une situation « ubuesque ». Il juge la décision disproportionnée. Pour lui, c’est une ligne rouge qu’on a franchie : celle qui sépare l’application froide des règles d’un minimum de respect pour l’humain derrière l’uniforme.
Un facteur licencié pour maladie… soutenu comme rarement
Ce qui saute aux yeux dans cette affaire, c’est l’élan collectif qu’elle a suscité. Pas de résignation. Pas de silence gêné. Au contraire. Les collègues de Gaëtan ont réagi avec force, sans attendre. La solidarité s’est mise en marche en quelques jours. Une première mobilisation a eu lieu le 4 novembre. Une autre est prévue le 14. Et dans les couloirs du centre de tri, on parle déjà de suivre l’affaire jusqu’au bout.
L’ambiance dans l’équipe ? Elle oscille entre colère et détermination. On ne comprend pas qu’on puisse écarter quelqu’un aussi vite, après tant d’années. Certains dénoncent une lente dérive de la gestion RH. D’autres craignent que ce cas fasse jurisprudence. Si on peut aujourd’hui écarter un facteur licencié pour maladie malgré son ancienneté, qui sera le prochain ?
Prud’hommes, combat juridique et incertitude pour l’avenir
Gaëtan, lui, ne baisse pas les bras. Il a décidé de contester. Il portera l’affaire devant le conseil de prud’hommes. Pour lui, il ne s’agit pas seulement de récupérer son poste. Il veut faire reconnaître que ce licenciement repose sur une interprétation sévère des règles, sans considération pour sa loyauté ni sa santé.
Autour de lui, les soutiens restent solides. L’affaire dépasse son cas. Elle interroge sur la manière dont les grandes entreprises gèrent leurs salariés malades. Être facteur licencié pour maladie, ce n’est pas une faute. C’est une réalité humaine qui mérite d’être traitée avec discernement.
Reste à savoir ce que dira la justice. Mais d’ici là, le bureau du 5ᵉ arrondissement tourne au ralenti, avec un collectif en alerte. Une histoire locale, peut-être. Mais aussi un signal bien plus large : celui d’un monde du travail où l’on devient parfois remplaçable, même après vingt ans de service.






