Par crainte d’une incapacité à répondre ou d’un manque d’empathie, plus d’un Français sur deux refuse de s’adresser à une intelligence artificielle lorsqu’ils contactent un service client

IA services clients

On sent bien que quelque chose bouge dans notre quotidien. Les machines nous parlent de plus en plus et les entreprises rêvent d’automatiser ce qui leur coûte cher. Pourtant, face à cette accélération, une grande partie des Français reste prudente, presque instinctivement. Beaucoup redoutent de se retrouver face à une voix synthétique incapable de saisir ce qu’ils vivent. L’idée d’expliquer un problème délicat à un robot leur donne encore l’impression d’être abandonnés au milieu d’un labyrinthe.

Pourquoi l’IA échoue encore à remplacer les conseillers humains

Une enquête menée par Ipsos pour Tersea confirme une tendance que beaucoup pressentaient : les Français n’ont pas envie de remplacer l’humain par une machine lorsqu’ils cherchent de l’aide. Ce refus n’est pas un caprice. Il s’exprime parce que les situations sont souvent plus subtiles qu’il n’y paraît. Nous avons tous connu ce moment où l’on appelle sa banque ou son opérateur avec une boule au ventre, en espérant tomber sur quelqu’un qui comprendra la nuance, l’urgence ou tout simplement la réalité de notre problème.

À l’heure actuelle, une majorité d’interactions repose encore sur de véritables conseillers. Rien de surprenant : 62 % des personnes interrogées disent vouloir parler à un humain plutôt qu’à une IA. Ce chiffre en dit long. Il révèle une inquiétude profonde face à ces systèmes automatisés. Beaucoup redoutent que l’IA dans les services clients décroche sans qu’ils comprennent la moitié du sujet ou qu’elle applique une règle trop rigide pour leur cas particulier.

Les résultats de l’étude montrent aussi que cette méfiance se renforce dès que la situation devient sérieuse. Pour une simple information — vérifier un suivi de commande, par exemple —, presque la moitié accepterait d’être aidée uniquement par une machine. Mais quand il s’agit de demander un conseil personnalisé, de régler un litige ou de traverser une épreuve émotionnelle, tout se renverse. La confiance s’effondre. La technologie devient un mur.

Ce qui ressort surtout, c’est la peur de n’être pas entendu. Beaucoup doutent de la capacité d’un chatbot à comprendre une nuance de voix, un stress palpable, ou les émotions qui accompagnent parfois des événements difficiles. Les Français voient l’IA dans les services clients comme un outil utile, mais incapable d’humanité. Et pour la moitié d’entre eux, cette incapacité suffit à les éloigner des solutions automatisées.

Quand la machine ne suit plus l’émotion

Les chiffres de l’étude dégagent un message clair : la relation client ne se limite pas à des réponses factuelles. Elle demande de l’empathie, de la considération, parfois même une forme de réconfort. Beaucoup imaginent mal une IA accompagner une personne en deuil, gérer une situation médicale délicate, ou entendre la voix tremblante d’un client en colère.

Presque la moitié des répondants pensent qu’une machine ne pourra jamais saisir la dimension émotionnelle d’un échange. Et ils ne parlent pas de vagues impressions. Ils parlent de moments concrets : une demande urgente, un événement traumatisant, un problème administratif qui dure depuis des semaines. Des moments où l’on veut sentir une présence réelle, pas un algorithme qui tourne.

C’est aussi ce manque d’empathie perçu qui fait renoncer beaucoup de consommateurs. À la lecture des chiffres, on découvre qu’un tiers des Français a déjà abandonné un remboursement, un avantage ou un service, simplement parce que le parcours était trop difficile. Une IA dans les services clients mal paramétrée peut créer une barrière plus haute encore, surtout quand l’interaction devient opaque ou frustrante.

Le renoncement touche particulièrement les plus jeunes. Peut-être parce qu’ils manquent de temps. Peut-être parce qu’ils savent déjà qu’un système mal conçu peut avaler des heures sans jamais donner la moindre réponse. Les plus âgés, eux, abandonnent moins, mais pas par plaisir : ils refusent de perdre un droit, une aide ou un avantage pour une question de procédure. La difficulté n’a jamais été une nouveauté dans le secteur du service client, mais l’automatisation peut accentuer cette impression de distance, voire d’abandon.

Une relation client en chantier

Pour 58 % des Français, les réponses automatiques mal adaptées et l’attente interminable constituent une expérience client catastrophique. Une réponse froide et standardisée peut transformer une simple demande en frustration durable. Et cette frustration laisse une trace. Les entreprises savent bien que l’image qu’un client se fait d’elles dépend souvent de la façon dont il est accueilli, écouté et aidé.

Il suffit d’une bonne expérience pour créer un attachement, un vrai. L’étude montre que 67 % des Français disent avoir déjà ressenti une forme de sympathie pour une entreprise grâce à un service client attentif et humain. À l’inverse, une conversation robotisée et maladroite peut détériorer la perception d’une marque en quelques minutes.

Certaines entreprises commencent d’ailleurs à revenir en arrière. Klarna en est l’exemple le plus frappant. Après avoir tenté d’automatiser son service client, le géant du paiement fractionné a dû reculer. Les réponses générées par l’IA provoquaient des incompréhensions, des erreurs et des retours franchement négatifs. Quand la machine échoue à résoudre un problème simple, tout le système se fissure.

Ces erreurs rappellent une vérité simple : l’automatisation ne fonctionne que si elle ne casse pas la relation. L’IA dans les services clients peut devenir un soutien formidable, un outil de tri ou de simplification, mais pas une béquille émotionnelle. Pas un substitut à la compréhension humaine.

Et c’est probablement là que se jouera la suite. Les Français ne rejettent pas la technologie. Ils veulent une transition intelligente, qui respecte leurs émotions et leur besoin d’être compris, surtout quand les situations deviennent délicates. Ils veulent un outil, pas un mur. Un accompagnement, pas un filtre.

Le défi est immense pour les entreprises, mais l’enjeu est clair : préserver l’humain au cœur d’une relation qui repose sur la confiance, tout en laissant la technologie prendre sa place — une place utile, proportionnée, bien pensée.

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